COSMIQUES (RAYONS)

COSMIQUES (RAYONS)
COSMIQUES (RAYONS)

Les rayons cosmiques sont des noyaux atomiques et des particules élémentaires qui voyagent dans l’espace à des vitesses voisines de celle de la lumière. Certains d’entre eux s’approchent suffisamment de la Terre pour être détectés par des instruments placés dans des satellites en orbite terrestre ou dans des sondes spatiales. D’autres pénètrent dans l’atmosphère terrestre, entrent en collision avec des noyaux d’oxygène ou d’azote, et produisent des générations successives de particules secondaires qui peuvent atteindre le niveau de la mer et parfois s’enfoncer profondément dans le sol (fig. 1). Ces proliférations des rayons cosmiques dans l’atmosphère sont appelées «grandes gerbes». Les rayons cosmiques sont donc de deux types: primaires et secondaires .

Les rayons cosmiques primaires sont l’unique échantillon de matière qui nous parvienne d’au-delà du système solaire. Ils sont constitués en grande majorité de noyaux d’atomes, chargés positivement (étant donné leur vitesse élevée, ces noyaux ont perdu leur cortège électronique); toutes les espèces chimiques, de l’hydrogène à l’uranium, sont représentées. Seulement 1 p. 100 environ des rayons cosmiques primaires sont des électrons. Les positrons et les antiprotons sont encore plus rares.

La caractéristique la plus spectaculaire des rayons cosmiques primaires est l’énergie énorme qu’ils sont susceptibles de transporter individuellement : un seul noyau – d’hydrogène, par exemple – peut véhiculer jusqu’à quelques centaines de milliards de milliards d’électronvolts, soit quelques dizaines de joules, c’est-à-dire une énergie macroscopique qui suffirait à soulever ce livre de plusieurs mètres! Cependant, la majorité des rayons cosmiques primaires qui ont été observés jusqu’alors ont des énergies de quelques milliards d’électronvolts seulement. Ils représentent néanmoins dans l’Univers une population très privilégiée: en effet, si, dans le gaz interstellaire, moins d’une particule sur 10 millions est un rayon cosmique, l’énergie moyenne, par unité de volume, de l’ensemble des rayons cosmiques est pourtant sensiblement égale à celle du gaz interstellaire – ce qui n’est probablement pas un hasard. Une population infime de particules s’est donc approprié une part substantielle de l’énergie disponible; par conséquent, l’étude de ces particules constitue la pierre angulaire de l’astrophysique des hautes énergies.

Depuis la fin des années soixante, l’extraordinaire développement de l’astrophysique des hautes énergies a révolutionné l’astronomie et l’astrophysique. Ce qui caractérise cette nouvelle astrophysique, c’est que, à travers les «fenêtres» de longueurs d’onde qui ont été ouvertes sur l’Univers (domaines radio, infrarouge, ultraviolet, rayons X et gamma), des objets d’un type nouveau ont été découverts qui émettent d’énormes quantités d’énergie; on a pu ainsi obtenir la preuve indirecte que les rayons cosmiques sont partout présents dans l’Univers, et qu’ils sont associés à des événements d’une extrême violence. Dans ces objets (radiogalaxies, quasars, pulsars, étoiles binaires X, sources gamma à rafales), des conditions physiques extrêmes, totalement inaccessibles en laboratoire, se sont révélées, et les rayons cosmiques paraissent constituer une composante importante de ces systèmes.

Messagers des événements violents de l’Univers, les rayons cosmiques primaires jouent aussi un rôle en physique des particules élémentaires, comme outils de sondage des noyaux et des particules les constituant, car leur énergie est très supérieure à celles qui peuvent être obtenues avec les plus grands accélérateurs de particules. Bien avant la construction de ceux-ci, c’est parmi les rayons cosmiques secondaires qu’on a découvert la plupart des particules élémentaires connues à la fin des années cinquante: positron – ou électron positif –, en 1932; mésons 猪 – muons – positif et négatif, entre 1933 et 1938; mésons 神 – pions – positif et négatif, en 1947; hypérons quelques années plus tard. C’est aussi dans les grandes gerbes qu’a été mise en évidence la création d’une paire électron-positron (c’est-àdire la matérialisation d’un photon gamma) et qu’a été illustré le principe d’Einstein d’équivalence de la masse et de l’énergie.

Lors de leurs collisions avec les noyaux de l’atmosphère, les rayons cosmiques produisent aussi un grand nombre d’atomes radioactifs de périodes très diverses. Ceux-ci ne contribuent pas de façon significative à la radioactivité naturelle d’origine terrestre; cependant, ce sont des traceurs précieux, utilisés pour étudier les phénomènes de circulation, de mélange et de séparation à la surface terrestre. L’atome radioactif le plus abondant, le carbone 14, a été utilisé pour la première fois en 1946 par Willard F. Libby. Depuis lors, de nombreuses applications de la datation par le carbone 14 ont été développées.

Notons que le champ magnétique et l’atmosphère terrestres constituent une protection efficace contre les effets biologiques des rayons cosmiques. En revanche, les astronautes et les occupants des stations spatiales doivent s’en protéger.

1. La découverte des rayons cosmiques

En 1912, le physicien autrichien Victor Franz Hess (1883-1964) vole à bord de ballons ouverts atteignant 5 kilomètres d’altitude; il a la surprise de constater que, au-delà de 1 kilomètre d’altitude, les fines feuilles de son électroscope enregistrent une charge électrique qui augmente régulièrement à mesure que le ballon s’élève. Il conclut à l’existence d’un rayonnement ionisant d’origine cosmique. Ses expériences sont reprises en 1913 par Werner Kolhörster, qui étend les mesures jusqu’à 9 300 mètres d’altitude. Mais il faudra attendre les années 1927 à 1936, avec l’invention du compteur de Geiger-Muller, pour établir la nature du rayonnement ionisant en étudiant les variations de son flux en fonction de la latitude terrestre et de la direction d’arrivée: il s’agit pour l’essentiel de particules chargées et non de photons. En 1938, les Français Pierre Auger et Roland Maze découvrent les «grandes gerbes» atmosphériques, ce qui leur permet d’affirmer l’existence de rayons cosmiques primaires d’au moins 1015 électronvolts. Enfin, en 1948, aux États-Unis, Helmut L. Bradt et Bernard Peters, utilisant des émulsions photographiques «nucléaires» envoyées à haute altitude par des ballons stratosphériques, identifient des noyaux d’hydrogène (protons) et des noyaux d’éléments plus lourds ayant des énergies de 1 milliard d’électronvolts environ.

Les composantes plus rares des rayons cosmiques seront mises en évidence après 1963. Les neutrinos cosmiques, par exemple, n’ont été pour la première fois observés que le 23 février 1987: une bouffée de neutrinos provenant de l’explosion de la supernova SN 1987 A dans le Grand Nuage de Magellan (une galaxie située à 170 000 années de lumière de nous) a traversé la Terre avant d’être enregistrée par des détecteurs situés au Japon et aux États-Unis; le flux atteignit quelques milliards de particules par centimètre carré et par seconde et se maintint pendant quelques secondes (le flux permanent de neutrinos d’origine solaire est six fois plus élevé).

2. Les rayons cosmiques dans le système solaire

Grâce aux sondes spatiales, nous connaissons l’existence des rayons cosmiques dans l’espace interplanétaire bien au-delà de l’orbite de Jupiter. Les sondes Pioneer-10 et 11, lancées par la N.A.S.A. en 1972 et 1973, continuent de nous envoyer des mesures de flux de protons, de particules 見 (noyaux d’hélium) et d’électrons, depuis les confins du système solaire (au début de 1993, Pioneer-10 était à plus de 8 milliards de kilomètres et Pioneer-11 à plus de 5 milliards de kilomètres du Soleil).

Des sources locales de rayons cosmiques ont été découvertes dans le système solaire. Le Soleil émet des rafales de particules énergiques durant certaines éruptions chromosphériques. Le caractère transitoire de l’arrivée de ces particules sur la Terre et leur énergie relativement basse – en général inférieure à 1 milliard d’électronvolts (109 eV, ou 1 GeV) – permettent de les distinguer aisément du flux quasi constant de rayons cosmiques d’origine extra-solaire. Une deuxième source «locale» de rayons cosmiques – très enrichis en électrons – a été trouvée dans la magnétosphère de Jupiter, une autre, moins intense, dans la magnétosphère de la Terre. Les aurores polaires en sont une manifestation spectaculaire, de même que les ceintures de radiation de Van Allen ou l’accélération de certains atomes des fumerolles des volcans de Io, le plus gros satellite de Jupiter. Cependant, la grande majorité des rayons cosmiques provient des profondeurs de notre Galaxie et, pour les plus énergiques d’entre eux, probablement de l’extérieur de celle-ci; il est toutefois impossible d’en avoir une preuve directe, car les rayons cosmiques, chargés électriquement, sont sans cesse déviés par les irrégularités du champ magnétique interstellaire, et perdent la direction de leurs sources.

3. Origine et composition des rayons cosmiques

L’idée la plus séduisante concernant l’origine des rayons cosmiques fut émise par Fritz Zwicky en 1938: les supernovae produiraient les rayons cosmiques en accélérant, grâce à l’expansion très rapide de leur enveloppe, la matière qu’elles ont synthétisée. Cette théorie, très satisfaisante sur le plan énergétique, a été généralement acceptée jusqu’en 1985. On sait maintenant que l’abondance relative des diverses espèces chimiques dans les sources des rayons cosmiques (appelée composition élémentaire) diffère radicalement de la composition élémentaire de la matière fraîchement synthétisée par les supernovae et disséminée dans l’espace par leur explosion. Si certaines étoiles éruptives (dont celles qui ressemblent au Soleil) pourraient être à l’origine d’une partie des rayons cosmiques, nous ignorons encore où la plupart d’entre eux prennent leur source. Sait-on du moins comment ils acquièrent leur énorme énergie? L’idée la plus féconde a été émise par Evry Schatzman en 1966, lorsqu’il démontra que l’onde de choc due à l’explosion d’une supernova peut, en comprimant brutalement le champ magnétique interstellaire sur son passage, fournir de l’énergie à certaines particules. Dix ans plus tard, une synthèse fut réalisée entre cette théorie et une autre, formulée par Enrico Fermi dès 1948, selon laquelle les rayons cosmiques pourraient acquérir de l’énergie en rebondissant sur les nuages interstellaires en perpétuelle agitation. Dans la théorie actuelle, c’est sur les fluctuations du champ magnétique interstellaire de part et d’autre d’une onde de choc que rebondissent les particules qui deviendront des rayons cosmiques. C’est au moment où l’onde de choc provenant d’une supernova englobe une étoile éruptive que les noyaux à basse énergie émis par cette dernière pourraient être accélérés grâce à ce mécanisme jusqu’à 1014 électronvolts au moins. Un mécanisme plus efficace est donc nécessaire pour expliquer les énergies supérieures, observées jusqu’à 1020 électronvolts.
La composition des rayons cosmiques à leur source diffère-t-elle de celle de la matière galactique locale? Notons d’abord que la composition des rayons cosmiques arrivant près de la Terre est très différente de celle qu’ils avaient au départ, près de leur source. En effet, lorsqu’ils rencontrent des atomes du milieu interstellaire, ils peuvent se briser (on parle de réaction nucléaire de spallation), donc s’enrichir en noyaux de numéro atomique Z plus faible (c’est-à-dire en noyaux contenant moins de protons). C’est ainsi que le deutérium, l’hélium 3, le lithium, le béryllium, le bore et, plus généralement, les éléments de numéro atomique impair sont beaucoup plus abondants (jusqu’à plusieurs millions de fois) près de la Terre qu’aux sources des rayons cosmiques. Lorsqu’on connaît les abondances élémentaires près de la Terre et les sections efficaces de spallation, on en déduit simultanément, dans le cadre d’un modèle de propagation des rayons cosmiques dans la Galaxie, la quantité de matière traversée par les rayons cosmiques entre leur source et la Terre – 70 kilogrammes par mètre carré – et leur composition originelle.

La composition élémentaire des rayons cosmiques à la source qui est ainsi déduite rappelle beaucoup la composition de la matière galactique locale – mesurée dans les météorites et supposée décrire la composition du nuage de gaz qui forma le système solaire il y a 4,6 milliards d’années (fig. 2). Cependant, quelques éléments lourds (carbone, azote, oxygène, néon) sont sous-abondants dans les rayons cosmiques d’un facteur 3 à 6 (en prenant le silicium comme référence); ce facteur atteint respectivement 50 et 20 pour l’hydrogène et l’hélium. Cette grande différence est restée inexpliquée jusqu’alors: pourquoi l’hydrogène et l’hélium, si abondants dans la Galaxie, sont-ils respectivement environ 50 et 20 fois moins abondants dans les rayons cosmiques que dans la matière galactique locale, le silicium étant pris comme référence? Nous reviendrons sur ce point en évoquant les mécanismes d’accélération des rayons cosmiques.

On observe aussi que le rapport des abondances de chaque élément à la source des rayons cosmiques et dans la matière galactique locale s’organise en fonction du premier potentiel d’ionisation des éléments. Les éléments à premier potentiel d’ionisation I élevé (I 礪 8,5 eV) sont sous-abondants d’un facteur 3 à 6 par rapport aux éléments plus facilement ionisables. Qualitativement, cette anticorrélation suggère que les rayons cosmiques seraient accélérés à partir d’un gaz à une température de 10 000 kelvins environ.

Notons que certains éléments présents dans le système solaire (le béryllium, par exemple) ne sont pas synthétisés dans les étoiles: ils ont été produits par les interactions nucléaires des rayons cosmiques avec le milieu interstellaire pendant des milliards d’années.
Les étoiles éruptives jouent-elles le rôle d’«injecteurs» dans l’accélérateur des rayons cosmiques? La composition des particules accélérées lors des éruptions chromosphériques solaires étant très variable en fonction du temps et de l’énergie, on considère une composition moyenne sur un grand nombre d’éruptions: cette composition s’organise en fonction du premier potentiel d’ionisation des éléments, de façon très semblable à celle des rayons cosmiques (la seule différence notable est celle du carbone, de deux à trois fois plus abondant dans les sources de rayons cosmiques; nous reviendrons sur ce point à propos de l’interprétation de l’abondance du néon 22). Cette similitude suggère qu’un même mécanisme de sélection agirait sur les rayons cosmiques et sur les particules accélérées par le Soleil. Or ces dernières sont probablement extraites de la couronne solaire, qui semble présenter les mêmes singularités d’abondances (mais les incertitudes sont ici encore plus grandes). Une explication plausible serait que les particules accélérées par le Soleil refléteraient la composition du milieu d’où elles sont extraites, la couronne; celle-ci serait alimentée par un phénomène de sélection entre atomes neutres et atomes une fois ionisés, à l’interface entre chromosphère et couronne, là où la température s’élève brutalement de 8 000 à 1 million de kelvins. Alors, la corrélation avec le premier potentiel d’ionisation dans les rayons cosmiques pourrait résulter de l’injection, dans l’accélérateur des rayons cosmiques, de particules préaccélérées par les étoiles éruptives semblables au Soleil, celles de types F à M.

4. Spectres d’énergie des rayons cosmiques

L’énergie des rayons cosmiques est considérablement plus élevée que celle des particules qui sont accélérées par les étoiles éruptives. Cette énergie considérable est même la caractéristique la plus mystérieuse des rayons cosmiques: une seule particule – un noyau d’hydrogène, par exemple – peut transporter quelques 1020 électronvolts, soit quelques dizaines de joules, c’est-à-dire une énergie macroscopique! Le flux différentiel J(E), exprimé en particules par mètre carré, par seconde et par gigaélectronvolt, varie avec l’énergie E comme E size=1 size=1 (loi de puissance). La figure 3 schématise son allure entre 107 et 1020 électronvolts. L’exposant 塚 reste sensiblement égal à 2,1 jusqu’à 1015 électronvolts environ, puis augmente pour atteindre 2,7 entre 2 . 1015 électronvolts et 1019 électronvolts environ. Au-delà, les données sont plus imprécises, mais 塚 semble diminuer à nouveau. Notons qu’aux énergies supérieures à 1014 électronvolts il n’est plus question de séparer les différents éléments ou groupes d’éléments, comme c’est le cas à plus basse énergie. Les particules sont détectées par les grandes gerbes qu’elles produisent dans l’atmosphère, et seule l’énergie totale peut être mesurée. La nature des particules les plus énergiques n’est donc pas connue, ce qui affecte l’interprétation quant au confinement et à l’origine de ces particules.

Alors que le flux atteignant la Terre ne dépasse pas 2 ou 3 particules de 1020 électronvolts par kilomètre carré et par siècle, il atteint 2 protons de quelques gigaélectronvolts (109 eV) par centimètre carré et par seconde au maximum du spectre. Aux énergies inférieures à 109 électronvolts, le flux de rayons cosmiques atteignant l’orbite terrestre décroît progressivement; ce phénomène est appelé modulation solaire car c’est le champ magnétique associé au vent solaire qui interdit (plus ou moins, selon le niveau d’activité solaire) l’entrée des rayons cosmiques de basse énergie dans le système solaire.

5. Accélération à haute énergie des rayons cosmiques par les ondes de choc des supernovae

Ce sont les explosions de supernovae qui fournissent la plus grande quantité d’énergie au milieu interstellaire. Ces explosions produisent des ondes de choc qui balaient le milieu interstellaire, modifiant continuellement sa structure et y maintenant un fort degré d’hétérogénéité. L’environnement des ondes de choc est turbulent. Les particules sont diffusées presque élastiquement par les hétérogénéités magnétiques associées à ces turbulences. Cette diffusion est tellement efficace que les particules sont renvoyées de façon isotrope des deux côtés de l’onde de choc. La particule va gagner un peu d’énergie lors de chaque traversée de cette onde qui correspond à une collision frontale particule-onde de choc. Grâce à l’efficacité de la diffusion, chaque particule traversera l’onde un grand nombre de fois. Quelques particules pourront ainsi gagner plusieurs ordres de grandeur en énergie. Le mécanisme pourrait donc accélérer les particules suprathermiques émises par les étoiles éruptives, tout en préservant leur composition.

Une conséquence importante de cette théorie réside dans le fait que les particules les plus énergiques sont accélérées plus efficacement que les particules d’énergie plus basse, car les premières subissent la totalité de la compression de l’onde de choc, modifiée par la pression des particules accélérées, alors que les particules de basse énergie ne subiraient qu’une partie de la compression. À l’équilibre, le spectre différentiel d’énergie qui en résulte est en loi de puissance et comprend deux composantes de pentes différentes: la pente 塚1, à basse énergie, est supérieure à la pente 塚2, à haute énergie. On obtient un spectre semblable si l’on considère l’accélération par un ensemble de restes de supernovae d’âges différents, en tenant compte de leur évolution dans le temps (alors, 塚1 = 2,4 et 塚2 = 2,1).

Il est intéressant de rapprocher ce résultat théorique du spectre différentiel d’énergie à la source de la composante carbone + azote + oxygène déduit des observations d’une expérience franco-danoise embarquée sur le satellite H.E.A.O.-3 et d’un instrument envoyé en ballon par une collaboration du Japon et des États-Unis depuis le début des années quatre-vingt. La figure 4 montre que la pente entre 5 et 100 gigaélectronvolts par nucléon est voisine de 2,4 et qu’entre 100 et 106 gigaélectronvolts par nucléon une pente plus faible, voisine de 2,1, est vraisemblable. On peut également attribuer ce changement de pente à la superposition de deux composantes: l’une de pente 2,7 environ, l’autre de pente 2,1 environ, commune à toutes les composantes des rayons cosmiques. En particulier, le spectre différentiel d’énergie des protons aurait une pente unique, égale à 2,1, entre quelques gigaélectronvolts et 2 . 106 gigaélectronvolts par nucléon (fig. 3). Cette différence spectrale entre les protons, d’une part, et la composante carbone + azote + oxygène, d’autre part, est une pièce de plus ajoutée au puzzle de l’origine des rayons cosmiques.

6. Anomalies isotopiques et étoiles Wolf-Rayet

La composition isotopique des rayons cosmiques montre trois anomalies importantes: les isotopes riches en neutrons – néon 22, magnésium 26 + magnésium 25 et silicium 30 + silicium 29 – sont plus abondants aux sources des rayons cosmiques que dans la matière galactique locale; les facteurs d’enrichissement sont considérables, respectivement 2,9 pour le néon et 1,8 pour le magnésium et le silicium (la mesure est imprécise dans ce dernier cas).

En revanche, les masses atomiques moyennes de sept autres éléments – azote, sodium, aluminium, soufre, calcium, manganèse, fer – ont été trouvées égales à celles qui sont mesurées dans la matière galactique locale.

Ces anomalies importantes semblent montrer que si la majeure partie du rayonnement cosmique a pour origine des étoiles brûlant de l’hydrogène, comme le Soleil, une petite fraction (2 p. 100) aurait pour origine des étoiles évoluées brûlant lentement de l’hélium. Cette hypothèse est confortée par le fait que le carbone est en excès d’un facteur 2 à 3 dans les rayons cosmiques galactiques par rapport aux rayons cosmiques solaires. Des sources adéquates pourraient être les étoiles Wolf-Rayet, étoiles massives qui expulsent un puissant vent stellaire constitué par les produits de la combustion de l’hélium. Cette combustion «calme» synthétise du carbone et/ou de l’oxygène par fusion de trois ou quatre noyaux d’hélium dans le cœur de l’étoile. En même temps, l’addition de deux noyaux d’hélium à l’azote présent produit une surabondance de néon 22 d’un facteur 120 par rapport au néon 20. Or une étoile massive (de 5 à 50 fois la masse du Soleil) nous offre une possibilité unique d’observer directement à sa surface les éléments fraîchement synthétisés. En effet, la perte de masse énorme due au vent stellaire intense dénude le cœur de l’étoile et ce vent injecte dans le milieu interstellaire et, peut-être, dans les rayons cosmiques une quantité importante d’éléments récemment synthétisés. On estime que cette phase de la vie de l’étoile dure de 300 000 à 600 000 ans. La composition de la matière à la surface de ces étoiles Wolf-Rayet est extraordinairement riche en néon 22, en carbone, en oxygène et, dans une moindre mesure, en magnésium 25 et 26.

Dans la phase des étoiles Wolf-Rayet riches en carbone, les anomalies isotopiques rappellent celles des rayons cosmiques et il suffirait que 2 p. 100 environ des rayons cosmiques soient accélérés à partir de la matière provenant de la surface des étoiles Wolf-Rayet pour rendre compte à la fois des anomalies isotopiques du néon 22 et du carbone 12 dans les rayons cosmiques. Si une fraction encore plus faible des rayons cosmiques était accélérée à partir de la matière de la surface des étoiles WolfRayet (dans une phase ultérieure, où le carbone 12 est converti en oxygène 16 et le néon 22 en magnésium 25 et 26), on pourrait aussi rendre compte de l’anomalie du magnésium. En revanche, l’anomalie isotopique du silicium ne peut être expliquée de cette façon, car les étoiles WolfRayet ne produisent à aucun moment de leur évolution du silicium 29 et 30 en quantité équivalente au magnésium 25 et 26. Si cette anomalie est confirmée, il faudra donc faire appel à d’autres sources, comme les éventuelles supernovae riches en métaux (mais celles-ci ne produiraient pas de néon 22...).

7. Propagation des rayons cosmiques dans la Galaxie

Rappelons deux ordres de grandeur; le rayon de gyration r d’un proton d’énergie E dans le champ magnétique galactique de 3 . 10-10 tesla (composante normale à la vitesse) est:

où E est exprimé en gigaélectronvolts et r en mètres; l’échelle de hauteur du gaz dans le disque galactique est de 5 . 1018 mètres environ.

Jusqu’à 106 gigaélectronvolts au moins, les rayons cosmiques sont donc fortement liés aux lignes de force du champ magnétique et leur distribution dans la Galaxie dépendra essentiellement de la configuration du champ magnétique galactique. On sait malheureusement peu de chose sur cette configuration à grande ou à petite échelle, sauf au voisinage du système solaire, où les lignes de champ sont relativement parallèles au plan galactique et où des fluctuations à grande échelle – 100 parsecs – ont été observées. Il existe aussi des régions limitées où le champ est complètement turbulent. La figure 5 schématise la distribution du champ magnétique galactique dans une section du disque.

Isotropie des rayons cosmiques

Si les rayons cosmiques pouvaient s’échapper librement de la Galaxie, leurs directions d’arrivée sur la voûte céleste seraient distribuées de façon très anisotrope, la plupart arrivant des régions centrales de la Galaxie. Ce n’est pas du tout ce que l’on observe: l’anisotropie est inférieure à 0,1 p. 100 entre 100 et 106 gigaélectronvolts! On ne distingue pas non plus une direction préférentielle liée au bras galactique spiral près duquel se trouve le Soleil.

Ces résultats amènent à conclure que les rayons cosmiques sont diffusés de façon efficace, soit par les irrégularités du champ magnétique galactique, soit encore par les ondes excitées par les rayons cosmiques eux-mêmes.

Au-dessus de 1016 électronvolts, l’anisotropie des rayons cosmiques augmente rapidement pour atteindre quelques pour-cent à 1018 électronvolts et de 40 à 60 p. 100 entre 1019 et 1020 électronvolts. Au-dessus de 3 . 1019 électronvolts, la direction d’arrivée de ces particules – dont on ignore le numéro atomique – est très éloignée du plan galactique; elle se situe vers les latitudes galactiques nord.

La figure 6 montre que des protons de 7 . 1019 électronvolts issus du centre galactique s’échapperaient de la Galaxie même si un champ uniforme de 2 . 10-10 tesla remplissait un très grand halo. Au contraire, des noyaux de fer ou d’oxygène de même énergie totale pourraient rester confinés dans la Galaxie; pour ces derniers, une origine galactique serait donc possible. Les jeunes pulsars pourraient être des sources adéquates dans la mesure où leur surface serait très riche en fer et où des champs électrostatiques énormes, capables d’accélérer des particules à 1019 ou 1020 électronvolts, se développeraient dans leur magnétosphère.

Cependant, il s’avère que les rayons cosmiques d’énergie supérieure à 1019 électronvolts sont, comme à plus basse énergie, constitués en majeure partie de protons; il faudra donc rechercher des sources extragalactiques.

Les horloges dans les rayons cosmiques

Certains des noyaux provenant de la fragmentation des rayons cosmiques dans le milieu interstellaire sont instables. Le plus important est le béryllium 10, qui a une période radioactive 0 de 1,5 . 106 ans en laboratoire et 塚 . 0 si la particule est relativiste ( 塚 est ici le facteur de Lorentz). Par décroissance radioactive 廓, le béryllium 10 se transforme en bore 10. La mesure des abondances relatives des isotopes permet de connaître la proportion de béryllium 10 qui a subi la décroissance radioactive pendant le parcours, donc l’âge moyen des rayons cosmiques que nous observons. On trouve ainsi un âge de confinement de 15 à 20 millions d’années. En combinant ce résultat avec le libre parcours moyen d’échappement de 70 kilogrammes par mètre carré environ, on trouve une densité moyenne du milieu traversé de l’ordre de 200 000 atomes par mètre cube. L’interprétation la plus simple de ce résultat, si la densité moyenne dans le disque est bien de 1 million d’atomes par mètre cube environ, est que les rayons cosmiques ont passé la majeure partie de leur «vie» hors du disque, dans une région étendue et de faible densité, le halo.

Distribution des rayons cosmiques dans la Galaxie

L’astronomie du rayonnement gamma nous révèle indirectement la distribution des rayons cosmiques (noyaux et électrons) dans l’ensemble de la Galaxie. Il faut pour cela connaître la distribution du gaz (atomes et molécules), puisque l’émissivité en rayons gamma est proportionnelle au produit de la densité du gaz par la densité de rayons cosmiques.

L’astronomie gamma nous fournit ainsi la preuve que les rayons cosmiques (protons et noyaux) remplissent de façon sensiblement uniforme le disque galactique jusqu’à de très grandes distances dans le plan galactique. La présence d’un halo de grande dimension rempli de rayons cosmiques est également suggérée par ces résultats.

Quant aux électrons (d’énergie jusqu’à 300 MeV), leur densité décroîtrait au contraire très vite à une distance du centre galactique supérieure à 11 000 parsecs (à peu près la distance du Soleil au centre de la Galaxie).

8. Les sources extragalactiques de rayons cosmiques

Naturellement, les galaxies semblables à la nôtre doivent être des sources de rayons cosmiques; mais des sources extraordinairement plus puissantes existent en grand nombre: ce sont les galaxies contenant un noyau actif (galaxies de Seyfert, quasars, BL Lacertae). Ces galaxies sont caractérisées par une source centrale très compacte (rayon largement inférieur à 1 parsec) émettant un continuum très intense dans tout le domaine spectral, des radiofréquences aux domaines X et gamma. La polarisation de ce continuum permet de l’attribuer à des électrons ultrarelativistes émettant, très probablement, par effet synchrotron.

Les radiosources extragalactiques, dont la luminosité radio atteint 100 millions de fois celle de notre Galaxie, contiennent également d’énormes populations d’électrons ultrarelativistes. Il est intéressant de remarquer que, dans le cas d’une émission synchrotron par un spectre d’électrons en loi de puissance de l’énergie (J 劣E size=1 size=1), le spectre radio moyen est de la forme I 劣(h 益) size=1 size=1 et que l’on a la relation 塚 = 2 見 + 1. Puisque 見 力 0,8, on en déduit que les électrons accélérés par ces objets ont un spectre en E size=12,6, très voisin du spectre des rayons cosmiques (électrons et noyaux) que nous observons près de la Terre. Ces radiosources doivent donc être d’importantes sources de rayons cosmiques.

9. Recherches futures

Quels sont les projets d’observation jusqu’au-delà de l’an 2000? Une des missions les plus spectaculaires s’appelle International Solar Polar Mission, ou I.S.P.M. («Mission internationale sur les pôles du Soleil»), ou encore Ulysse. Pour la première fois, une sonde interplanétaire s’est éloignée du plan de l’écliptique pour passer au-dessus des pôles du Soleil. L’énergie considérable qui est nécessaire pour sortir du plan de l’écliptique a été empruntée au champ gravitationnel de Jupiter. La figure 7 présente la trajectoire de cette sonde (lancée par la navette Discovery le 6 octobre 1990), qui permet d’étudier à quatre dimensions (espace et temps) les propriétés du milieu interplanétaire, de la couronne solaire, des rayons cosmiques solaires et galactiques durant plusieurs années. Les expériences sur les rayons cosmiques ont été réalisées par onze instituts, universités et laboratoires d’Europe (dont un laboratoire français) et des États-Unis. Peut-être la sonde s’éloignera-t-elle suffisamment du milieu rempli par le plasma solaire pour entrer dans le milieu interstellaire et y mesurer la densité des rayons cosmiques (électrons et noyaux) de basse énergie.

Les autres projets seront réalisés sur une station spatiale, grâce à un aimant supraconducteur placé en orbite. Ainsi pourrat-on mesurer les rapports d’abondance noyaux/antinoyaux et mettre éventuellement en évidence des galaxies d’antimatière où les antinoyaux seraient accélérés. De plus, les isotopes rares pourront être identifiés à haute énergie – supérieure à 100 gigaélectronvolts par nucléon –, une énergie où la contribution interstellaire devient très faible et où de nouvelles horloges cosmiques, comme le carbone 14, deviennent accessibles. En même temps, des progrès interviendront dans la connaissance du champ galactique et des mécanismes d’accélération (dans des plasmas turbulents ou par les ondes de choc). Peut-être aussi pourra-t-on résoudre l’énigme de la source centrale des noyaux actifs de galaxies. Ces recherches devraient permettre de mieux comprendre le rôle important joué par les rayons cosmiques dans la dynamique de notre Galaxie et des objets actifs extragalactiques. Situer clairement leur origine et leur espace de confinement deviendra alors plus facile.

Encyclopédie Universelle. 2012.

Игры ⚽ Поможем сделать НИР

Regardez d'autres dictionnaires:

  • RAYONS GAMMA COSMIQUES — Les rayons gamma cosmiques, photons les plus énergétiques du rayonnement électromagnétique, signent les événements les plus violents de l’Univers. Bloqués par les hautes couches de l’atmosphère terrestre, ils sont détectés presque exclusivement à …   Encyclopédie Universelle

  • RAYONS X COSMIQUES — Opaque aux rayons X, l’atmosphère terrestre empêche l’observation des photons X extraterrestres depuis le sol. La date de naissance de l’astronomie des rayons X peut être située le 18 juin 1962, lorsqu’un détecteur sensible à ce type de… …   Encyclopédie Universelle

  • Rayons Pour Sidar — Cet article fait partie de la série Science fiction La SF à l’écran autre A B C …   Wikipédia en Français

  • Rayons pour sidar — Cet article fait partie de la série Science fiction La SF à l’écran autre A B C …   Wikipédia en Français

  • Rayons pour Sidar — est un roman de science fiction de l auteur français Stefan Wul paru en 1957. Sommaire 1 Argument 2 Présentation de l œuvre 3 Résumé …   Wikipédia en Français

  • Rayons cosmiques ou rayonnement cosmique — ● Rayons cosmiques ou rayonnement cosmique flux de particules chargées de haute énergie d origine solaire, galactique et extragalactique …   Encyclopédie Universelle

  • Rayons cosmiques — Rayon cosmique Schéma d une cascade atmosphérique produite par un proton Le rayonnement cosmique désigne de manière générale le flux de particules de haute énergie (c est à dire relativistes) présent dans tout l Univers. Il s agit pour sa partie… …   Wikipédia en Français

  • rayons cosmiques — ● loc. pl. ►SOC Raison invoquée couramment quand tout plante sans qu on sache pourquoi. Les rayons alpha ont bien un effet sur les mémoires, mais pas les rayons cosmiques (sauf dans l espace, voir tore de ferrite). Intel n arrivait pas à… …   Dictionnaire d'informatique francophone

  • rayons cosmiques extrèmement durs — superkietoji kosminė spinduliuotė statusas T sritis fizika atitikmenys: angl. super cosmic radiation; super cosmic rays vok. Höchstenergie Höhenstrahlung, f; superkosmische Strahlung, f; ultraharte kosmische Strahlung, f rus. космические лучи… …   Fizikos terminų žodynas

  • rayons cosmiques secondaires — antrinė kosminė spinduliuotė statusas T sritis fizika atitikmenys: angl. secondary cosmic radiation; secondary cosmic rays vok. kosmische Sekundärstrahlung, f; sekundäre Höhenstrahlung, f; sekundäre kosmische Strahlung, f rus. вторичное… …   Fizikos terminų žodynas

Share the article and excerpts

Direct link
Do a right-click on the link above
and select “Copy Link”